mardi 18 juillet 2006

Thomas Savage

L'ouest sauvage de Savage.

La sortie du dernier roman de Thomas Savage Rue du Pacifique, chez Belfond, est l'occasion de lire ou relire les deux précédents parus chez 10/18 : La Reine de l'Idaho et Le Pouvoir du Chien.
Thomas Savage y dépeint , avec un style et une écriture très évocateurs et avec une fausse simplicité déconcertante, des familles animées par la force et la passion des sentiments non dits. Avec en toile de fond le décor de l'enfance de T. Savage : les paysages des Rocheuses de l'ouest américain et l'histoire récente des US.
Avec La Reine de l'Idaho, son roman le plus accessible, on aura du mal à décrocher de l'histoire de toute une famille, une véritable saga avec une galerie de savoureux portraits à travers plusieurs générations.
Le drame raconté par Le pouvoir du chien est plus âpre et plus dur. La tension croît lentement mais inexorablement jusqu'au dénouement et laissera longtemps son empreinte : c'est sans aucun doute son roman le plus fort, c'est aussi son premier succès.
Son dernier roman, Rue du Pacifique, s'avère moins prenant mais c'est celui qui décrit avec le plus de détails savoureux et d'anecdotes les thèmes récurrents des romans de T. Savage : le cheminement des Etats-Unis vers la modernité depuis le far-west, la ruée vers l'or et l'expropriation des indiens jusqu'à la récession de 1929 en passant par l'arrivée de la pub, du train, de l'automobile, de la radio et ... de la première guerre.

"Ma femme lisait. Elle lit sans arrêt. Elle avait lu Guerre et Paix après son accouchement de notre premier garçon, car à cette époque on gardait les femmes au lit pendant dix jours ; elle avait recommencé après l'accouchement de notre deuxième, mais déjà les hôpitaux estimaient qu'il était absurde d'être alité aussi longtemps. Au moment de la naissance de notre fille, les hôpitaux avaient tellement réduit la période de repos que ma femme eut à peine le temps de finir La Maison d'Apre-Vent de Dickens."

"Phil eut un instant envie de se lever et de féliciter George de ne pas l'avoir déçu, d'être bien comme il l'avait espéré, comme il l'avait cru, comme il avait su qu'il était. Mais évidemment il ne l'avait pas fait, parce qu'il n'y avait jamais eu de sentiment exprimé entre eux par des mots et qu'il n'y en aurait jamais. Leur relation n'était pas fondée sur la parole. Phil n'avait encore jamais connu qui que ce soit qui puisse se permettre de trop parler sans être un pauvre imbécile."
"[...] Il s'interrompit et la regarda.
- Est-ce que je parle trop ?
- J'adore t'entendre parler.
- Je ne voudrais pas prendre l'habitude de trop parler, tu sais.
"

"[...] Elle était certaine qu'il n'avait pas révélé à George qu'elle buvait, et elle sentait que Phil savait que le non-dit est plus fort que la chose dite. Car elle l'avait surpris en train d'observer avec une patience curieuse, comme un chasseur à l'approche."

"Quand il observait la rue depuis le premier étage de l'hôtel Shenon House, il avait un privilège dont il ne se doutait pas, celui d'assister à un spectacle qui ne se reproduirait jamais plus ailleurs qu'au cinéma : il voyait une rue où le nombre d'automobiles était pratiquement le même que celui des chevaux."

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