samedi 4 avril 2009

Un doux parfum de mort (Guillermo Arriaga)

Un avant-goût (amer) de l’été.

Cette année la littérature mexicaine est à l'honneur.
On en reparlera donc bientôt avec deux recueils de nouvelles : avec Pétales et d'autres Nouvelles du Mexique.
En attendant, voici un auteur déjà célèbre et déjà connu même si l'on n'a encore rien lu de lui puisque Guillermo Arriaga est l'auteur de scénarios à succès au ciné : Babel, 3 Enterrements, 21 Grammes, Loin de la terre brûlée, c'est lui !
Une actualité et une renommée qui suffisaient à justifier qu'on se précipite sur ce petit polar de poche.
Pari gagné. Guillermo Arriaga avait signé ici un excellent roman qui n'avait rien d'un futur scénario hollywoodien.
Un polar si on veut (il y a meurtre, voire meurtres).
Une pièce de théâtre si on veut aussi : un presque huis-clos dans un petit village perdu au fin fond de la campagne mexicaine, plus exigû qu'une scène de théâtre.
On y retrouve même le chœur des villageois pour faire avancer l'histoire ... et les héros vers le drame final.
Tout commence, comme souvent, par la découverte d'un cadavre.
Celui d'une jeune fille du village, retrouvée nue et poignardée.
Ramòn, le jeune qui tient l'épicerie-bar-tabac et qui avait eu quelques chastes regards pour cette jeune fille de son vivant, se retrouve trop vite et à l'insu de son plein gré, à endosser le rôle de l'amant mystérieux de la jeune fille.
Pour ne pas peiner les parents de son amoureuse-malgré-lui, il ne dément pas.
Pour ne pas perdre la face vis à vis des piliers qui soutiennent son bar, il ne dément pas non plus quand on évoque le devoir de vengeance.
Et lorsque les soupçons se portent sur un fier gitan que l'on sait innocent et beaucoup trop dangereux pour notre jeune Ramòn, il s'enfonce lentement mais sûrement vers un destin qui n'aurait pas dû être le sien.
Bref, de fil en aiguille, de mensonges en non-dits, le drame se noue peu à peu, chacun endossant un rôle pour lequel il n'était pas forcément taillé.
C'est cette chronique d'une vengeance annoncée qui fait l'intérêt du roman. Chronique de la bêtise humaine.

[...] À 3 heures de l'après-midi, la plupart des habitants de Loma Grande savaient que Ramòn Castaños avait l'intention de tuer son rival avec le pistolet que lui avait prêté Juan Prieto. "Le même que celui avec lequel il a refroidi un flic au Texas", certifiaient ceux qui connaissaient la véritable histoire de Juan. La rumeur avait également couru qu'il s'agissait d'un pistolet défectueux ne permettant pas de viser juste. De sorte que certains hommes du village s'étaient réunis à l'épicerie pour mesurer les avantages et les inconvénients du recours au Derringer Davis. Les avis étaient partagés.

Avec un humour noir et distancié, Guillermo Arriaga nous emmène inexorablement sur le flux de la rumeur publique : on cause, on cause, sans savoir, ou pire parfois, en sachant pertinemment la vraie vérité.
Un roman très physique aussi, avec un soleil écrasant et une chaleur étouffante, ça pue la sueur et les mouches volent pendant la sieste.
De la rumeur et de la bêtise publiques ou des mouches et du soleil d'été, inutile de vous dire qu'on devine très vite lesquels sont les plus étouffants.
Et le doux parfum de la jeune fille cache mal celui de la mort.


Pour celles et ceux qui aiment les mouches en été.
Points poche édite ces 203 pages qui datent de 1994 en VO et qui sont traduites de l'espagnol par François Gaudry, ce même François Gaudry qui a conçu le recueil de nouvelles dont on parlera bientôt.
Cathe en parle, Jean-Marc aussi..

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