mercredi 13 juillet 2011

L’homme inquiet (Henning Mankell)

Rattrapé par le passé.

Les derniers polars d'Henning Mankell nous avait laissé un petit goût de déception lorsque l'auteur se perdait dans des méandres politico-policiers.
Alors nous voici ravis avec cet Homme inquiet, ravis de renouer avec la meilleure veine du suédois, même s'il s'agit de la dernière enquête du commissaire Wallander.
Et oui Kurt rend les armes.
Mankell nous avait habitués à porter un regard incisif sur la Suède.
Déjà avec Le retour du professeur de danse, on avait vu la supposée ‘neutralité’ suédoise se montrer beaucoup trop bienveillante à l'égard du nazisme. Mankell poursuit sa leçon d'histoire et met en scène les années 80 où, après la guerre froide, la ‘neutralité’ suédoise incline cette fois du côté de l'Otan.
C'était l'époque du Premier ministre Olof Palme (assassiné en 1986), du groupe suédois d'armement Bofors et bien sûr des mystérieux sous-marins soviétiques venus rôder dans les eaux suédoises.
En réalité, il y a beaucoup d'hommes inquiets dans ce roman.
À commencer par Kurt Wallander lui-même. Le bonhomme a passé la soixantaine(1). Un cap difficile.
Le temps a gagné la partie : Wallander vieillit, le diabète gagne du terrain et le commissaire est victime d'absences répétées. L'homme est rattrapé par son passé : toutes ‘ses femmes’ se sont comme donné rendez-vous dans cet épisode. Son ex (Mona, devenue alcoolique), sa fille Linda et maintenant sa petite-fille et même son aventure lettone, Baïba, qui est de passage.  Tout cela a un petit parfum des Chaussures italiennes(2).

[...] Ce fut une période où il tourna dans sa maison comme un ours en cage, sans plus trouver la force de résister à l'évidence qu'il avait soixante ans et qu'il était en marche, qu'il le veuille ou non, vers sa vieillesse. Il pouvait vivre encore dix ans ou même vingt, mais tout ce que lui apporteraient ces années, ce serait de vieillir, précisément.

L'autre homme inquiet, celui du titre, celui de l'histoire, est un marin. Un officier qui était aux premières loges dans les années 80 lorsque les sous-marins soviétiques rôdaient près des bases navales suédoises. Lui aussi est rattrapé par son passé en même temps que la Suède est rattrapée par son histoire.
L'homme disparaît subitement sans explication. A-t-il été assassiné ? Était-il menacé ? Cherche-t-il à fuir ?
Qu'avait-il à cacher ? Des histoires d'espionnage ? Ou bien des secrets de famille ?

[...] - L'histoire des sous-marins remonte à vingt-cinq ans. Qu'est-ce qui pourrait être encore dangereux après tant d'années ? Bon sang, l'Union Soviétique n'existe même plus. Le mur de Berlin est tombé. La RDA c'est fini. Toute cette époque-là est révolue. Quelles seraient ces ombres qui resurgiraient à l'improviste ?
[...] - Palme était Premier ministre à l'époque où les sous-marins faisaient du cabotage dans nos eaux territoriales, dit-il.
[...] Tout cela remonte à plus de vingt ans de toute manière. Quoi qui ait pu être dit ou fait, c'est prescrit, et sans intérêt.
- Pas complètement. L'Histoire n'est pas figée. Elle nous suit.

Cet excellent roman est empreint d'une certaine tristesse désabusée qui mêle habilement le passé et le présent, l'histoire personnelle de Wallander et celle de l'officier de marine.
La dernière enquête Wallander s'avère être une réussite (sur le plan littéraire s'entend, pour le reste, on vous laisse dénouer les fils de l'intrigue politico-policière !).
Les amateurs de polars ne manqueront pas cet excellent épisode.
Les autres ne manqueront pas le détour par les Chaussures italiennes, excellent roman.

(1) : Henning Mankell est né en 1948
(2) : le meilleur roman de Mankell, même si ce n'est pas un polar


Pour celles et ceux qui aiment la saga Wallander.
Seuil édite ces 552 pages qui datent de 2010 en VO et qui sont traduites du suédois par Anna Gibson.
D'autres avis sur Babelio et Critiques Libres. Cathulu en parle.

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